Ali Belhaj: “Il faut installer une véritable rupture dans notre système économique”

Mohammed30 سبتمبر 2016آخر تحديث :
Ali Belhaj: “Il faut installer une véritable rupture dans notre système économique”

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– Comment reconsidérer la réflexion sur l’économie dans le champ politique marocain? Comment revitaliser la réflexion sur l’économie? Le modèle économique du royaume doit-il être remis en question? Éléments de réponse avec Ali Belhaj, économiste et homme politique marocain affilié au Parti authenticité et modernité (PAM).

HuffPost Maroc: Vous appelez à la reconsidération de la réflexion sur l’économie dans le champ politique au Maroc. Comment cela peut-il être mené?

Ali Belhaj: Depuis le début du mandat du gouvernement actuel, la politique a pris le pas sur l’économique. L’invective, la personnalisation du débat public, les petites phrases assassines occupent l’espace médiatique. Ni les partis politiques, ni les médias n’ont joué leur rôle pour accorder aux questions économiques la place qui leur incombe. Aujourd’hui, ces élections sont l’occasion de débattre des véritables problématiques de la population: l’emploi des jeunes, ou devrais-je dire le chômage de masse de nos jeunes, le pouvoir d’achat des Marocains, la santé de nos entreprises, en particulier les PME et les TPE.

Pensez-vous que l’économie a été dépolitisée au Maroc, ce qui a mené les partis politiques à céder la réflexion sur les grandes questions économiques aux élites technocratiques et aux agences internationales? Est-il nécessaire de de repolitiser l’économie au Maroc, comme le défendent certains partis de la gauche?

Là où nous pouvons être d’accord avec cette affirmation c’est que le politique n’ayant pas joué leur rôle, la superstructure technique, pour lui donner un nom, a pris le pas. Mais celle-ci, quoi qu’ayant toutes les compétences, ne peut pas jouer le rôle du politique. Celui-ci doit avoir une vision, donner le cap, prendre des décisions, assumer les risques. La superstructure technique devant elle exécuter cette vision. C’est ce que l’on devrait avoir, aussi bien au ministère de l’Economie et des finances que dans n’importe quelle commune du Maroc.

Des économistes ont tiré la sonnette d’alarme bien des années auparavant, mais aujourd’hui, le modèle économique du royaume est plus que jamais remis en question. Quel nouveau modèle ou projet économique pour le royaume?

Il faut installer une véritable rupture dans notre système économique. Il s’essouffle, il vit une crise de confiance et une crise d’efficacité. Le prochain gouvernement devra œuvrer pour la relance de l’économie, et ce en encourageant le secteur privé. Il ne devra pas considérer l’entreprise privée comme une vache à traire pour davantage de recettes fiscales, mais comme le moteur de la croissance économique.

Au cœur de la refonte du système économique, il y a le débat autour de la place de l’Etat dans l’économie. Une clarification s’impose. Est-ce le rôle de l’Etat d’être présent là où le secteur privé peut agir? Lorsque l’on voit les expériences d’Al Omrane ou de la SNTL, on est en droit de s’interroger si le secteur public a assimilé les leçons du passé.

Enfin il ne peut y avoir de nouveau modèle économique sans une réforme radicale de la fiscalité. Elle ne doit plus être considérée uniquement d’un point de vue des recettes mais comme un outil pour relancer l’investissement, et donc la croissance et l’emploi.

Faut-il également repenser l’articulation entre l’économique et le social au Maroc?

On doit considérer le social comme prioritaire, mais la vraie question est comment faire du social durable, au meilleur coût, et qui atteint véritablement ceux qui en ont besoin. Que l’Etat doit garantir l’éducation et la santé pour tous, nul doute là dessus. Mais pourquoi en a t-on fait un quasi monopole public quitte à le rendre inefficace, voire catastrophique, comme c’est le cas pour l’éducation et la santé. Introduire plus de concurrence notamment dans l’exécution des budgets de l’Etat, en ce qui concerne ces deux secteurs, me semble judicieux.

Vous regrettez que le PAM se soit transformé en machine électorale, au détriment du projet qu’il défendait, les valeurs dont il était porteur. La possibilité de réorienter le parti vers son projet est-elle aujourd’hui possible?

Toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour que le parti affirme son projet initial. Ces élections législatives sont une formidable opportunité pour nous de profiter d’une dynamique de construction positive, à même de faire adhérer un maximum de citoyens à l’esprit des pères fondateurs du PAM. La présence de fondateurs du parti au sein du bureau politique, à l’instar de Mohammed Cheikh Biadillah, Habib Belkouch ou Ahmed Akchichen, sont un gage important pour que le projet PAM soit décliné pendant ces élections.

Quelle alternative peut proposer le PAM?

Je vous laisse imaginer cette campagne électorale si le PAM n’existait pas. On en serait là avec un parti unique et avec toutes les dérives que cela peut entrainer. Le PAM est là pour montrer qu’il y a une autre voie, moderniste, mais sans oublier nos spécificités, notre authenticité. Ouverte sur le monde, tout en respectant nos traditions. Libéral, tout en considérant le volet social comme prioritaire.

Force est de constater que le PAM est atteint d’un syndrome de gigantisme qui n’est pas forcément un signe de bonne santé. Etant aujourd’hui dans l’opposition, le PAM ne souffre pas forcément des antagonismes en son sein. Mais est-il à craindre que ceux-ci s’exacerbent si le parti venait à participer ou à diriger un gouvernement ?

Un parti qui a su débattre sereinement lors de ses congrès successifs, durant les sessions de ses conseils nationaux, et qui a toujours maintenu son unité, même dans les épreuves qui peuvent avoir lieu dans l’opposition parlementaire, a très peu de chances de voir des tensions s’exacerber à la tête ou au sein d’un exécutif.

Pensez-vous que le fonctionnement par courants pourrait-il offrir des garanties de cohésion au sein du parti ?

Tout ce qui peut renforcer le débat d’idées et la démocratie interne au sein d’un parti est bon à prendre. Je suis convaincu que l’unité du parti doit se faire dans le respect des avis divergents et de la différence d’opinions.

Le PAM est-il un parti sans idéologie ou un parti qui n’a que faire d’une idéologie?

Nous n’avons que faire des vieilles lunes idéologiques. Nous ne sommes ni dans le dogme, ni dans une façon étriquée de voir le monde. Le PAM dispose d’un projet de société démocrate, moderniste, humaniste, et nous souhaitons pouvoir traduire ce projet de société sur le terrain, auprès des marocaines et des marocains.

Aujourd’hui, nos concitoyens n’en peuvent plus de la politique politicienne et des joutes idéologiques, ils attendent des réponses concrètes aux problèmes de leur quotidien, et c’est ce à quoi veut s’atteler le PAM.

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